L'ordre du jour, d'Eric VUILLARD

Publié le par Le Monde de Sylvie

L'ordre du jour, d'Eric VUILLARD
RESUME

L’Allemagne nazie a sa légende. On y voit une armée rapide, moderne, dont le triomphe parait inexorable. Mais si au fondement de ses premiers exploits se découvraient plutôt des marchandages, de vulgaires combinaisons d’intérêts ? Et si les glorieuses images de la Wehrmacht entrant triomphalement en Autriche dissimulaient un immense embouteillage de panzers ? Une simple panne ! Une démonstration magistrale et grinçante des coulisses de l’Anschluss par l’auteur de Tristesse de la terre et de 14 juillet. 

Mon Avis

Un Goncourt court, très court mais aiguisé et instructif sur l’émergence d’Hitler et l’héritage économique de l’Allemagne.
Difficile de qualifier cet écrit car ce n’est pas un roman, ni un documentaire, pas vraiment un essai, encore moins une biographie… je dirais que c’est un texte satirique et ironique qui s’articule autour de 2 événements principaux et qui dénonce la considérable compromission des grands industriels allemands de l’époque et l’énorme culot d’Hitler et de ses comparses. 
Le premier événement est la réunion de février 1933, où le chancelier tout nouvellement nommé, Hitler, invite 24 gros industriels allemands à venir docilement cracher au bassinet pour construire la future machine de guerre allemande. Bien que quelque peu pris au piège par les responsables nazis, ces rampants ont su tirer parti de la situation et ont largement fait fructifier leurs petites affaires… 

Hitler et de nombreux industriels allemands en juin 1937

Hitler et de nombreux industriels allemands en juin 1937

Hitler ici avec Ferdinand Porsche en 1935

Hitler ici avec Ferdinand Porsche en 1935

Ils s'appellent BASF, Bayer, Agfa, Opel, IG Farben, Siemens, Allianz, Telefunken. Sous ces noms, nous les connaissons. Nous les connaissons même très bien. Ils sont là, parmi nous, entre nous. Ils sont nos voitures, nos machines à laver, nos produits d'entretien, nos radios-réveils, l'assurance de notre maison, la pile de notre montre. Ils sont là, partout, sous forme de choses. Notre quotidien est le leur.

Une réalité affreusement troublante, et qui a une résonnance aujourd’hui puisque aussi incroyable que cela puisse paraître, la mémoire économique n’existe pas. Ainsi, florissants ils étaient ces industriels, ultra-prospères ils sont devenus…
La guerre fut rentable (et l‘est toujours rappelons-le) puisque les équipements militaires ont été produits à grande échelle et que plus tard, les camps de concentration ont offert à ces opportunistes une main d’œuvre infinie et particulièrement docile…

Le second fil conducteur de ce récit sera l’Anschluss, l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne. Eric Vuillard se montre particulièrement habile dans cette partie puisqu’il parvient à nous faire rire alors même que chacun sait qu’il s’agit des prémices d’une tragédie humaine. Il y aborde la passivité et l’absence de courage des dirigeants de l’époque à travers des situations saugrenues voire grotesques au vu des fonctions des protagonistes. Sa description de la déroute des panzers à leur entrée en Autriche est jubilatoire…
 

L'Anschluss, 1938

L'Anschluss, 1938

C’est grâce à un style raffiné mais néanmoins acerbe et ironique que l’auteur parvient à apporter la bonne dose d’humour noire. A cela s’ajoute le ton clairement accusateur qui donne de la puissance à son récit.

L’approche de l’écrivain est vraiment originale car il nous éclaire sur l’Histoire en retraçant des anecdotes et des épisodes que la propagande a largement détournés de la réalité. Eric Vuillard a une connaissance affûtée des faits grâce à un très grand travail de recherche assurément. Comme je le disais au départ, ce court récit est instructif et incisif. Un court mais très bon Goncourt.

L'ordre du jour, d'Eric VUILLARD

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