Rendez-vous au 10 Avril, de Benoît SÉVERAC
Toulouse, 1920. La Grande Guerre est achevée depuis trois ans déjà et chacun reprend sa place comme il peut dans une société qui s’étourdit pour oublier. Pourtant, les douleurs et les blessures rejaillissent de façon bien étrange. Lorsque deux meurtres perturbent l’équilibre de la ville, un seul homme, un inspecteur rescapé de guerre qui n'est plus apte aux sentiments, ose affronter la situation. Un point commun relie les deux affaires, a priori sans aucun rapport : l’École vétérinaire de Toulouse. Seulement, la grande école connaît ses propres codes, ses propres règles. Parviendra-t-il à briser la chape de silence et à faire éclater la vérité ?
Tout y est dans ce bouquin : Une très bonne intrigue, un récit historique passionnant et sans complaisance, une écriture superbe et une qualité incontestable à décrire et à dresser des portraits particulièrement marquants. Sans oublier une couverture poche très réussie !
Benoît Séverac nous plonge dans le Toulouse des années 20 avec un inspecteur de police, survivant presque involontaire de la 1ère guerre mondiale. Un homme abîmé, meurtri qui se sent tel un esprit mort dans un corps en sursis. Il voit les gens, les rues, les situations, constamment avec en arrière-plan cette fichue guerre. Confronté à deux meurtres liés à l’Ecole Vétérinaire de Toulouse (un milieu cher à l’auteur qui y pose généralement ses intrigues), il va devoir affronter un milieu bourgeois extrêmement fermé dont les codes et les luttes d’influence verrouillent toute cette société de notables. Il devra aussi s’opposer à sa hiérarchie qui serait plutôt d’avis à étouffer les événements.
Entre souvenirs et descente aux abîmes, le héros de ce roman nous plonge par ses pensées dans une noirceur abyssale ; l’évocation de ses souvenirs est saisissante d’horreur et d’injustice, elle n’est pas sans rappeler le personnage principale de Pierre Lemaître dans « Au revoir là-haut ».
Fragile mais néanmoins pugnace, cet homme fracassé par la vie trouve des ressources dans les paradis artificiels pour malgré tout s’opposer et s’imposer en dépit des conventions et des protocoles.
Comme je le disais, c’est un récit noir dans une ville pas si rose que ça... un récit plein d'amertume qui heurte car il rétablit des vérités qu’on ne voudrait pas voir… l’ambiance étouffante et la parfaite maîtrise du portrait font de ce polar noir une très belle réussite. Deuxième lecture de cet auteur, et encore une fois, je suis conquise. Vivement la suite !
